Comment fixer les frontières des régions ?

 

Lorsque les départements sont crées en 1789, il s’agit de divisions administratives ayant pour but de faciliter la gestion du territoire du royaume. Les départements sont dessinés à fin de faire circuler l’information rapidement. Dans les faits quelques considérations politiques finiront pas être prises en compte. Ainsi le Tarn et Garonne doit sa création en 1803 à la suite des demandes de la bourgeoisie de Montauban qui ne voulait pas voir sa ville reléguée au second plan. Dans l’ensemble le critère de délimitation est assez simple : on regarde la préfecture la plus rapidement atteignable. Cela explique notamment que des départements de montagne soit souvent plus petits que des départements plats (exp.  dans le sud, la Gironde et les Landes avec près de 10000 km2 / Les Pyrénées orientales et les Hautes Pyrénées entre 4000 et 4600 km2).

Dans le débat actuel sur les fusions, il est souvent invoqué la nécessité d’avoir une taille critique. Cela justifie notamment de passer de la commune à la communauté de communes comme échelon pertinent, de favoriser la région au  détriment du département et de fusionner la plupart des régions. Concernant les frontières,  la question se pose parfois pour les communes (cas du Grand Paris), plus maintenant pour les départements même si l’on parle parfois de certaines fusions (les Savoie) mais on parle surtout des régions puisqu’il s’agit d’un échelon concentrant de plus en plus de moyens.

Or, sur les régions, des arguments très variés on été entendus :

– l’appartenance historique (cas du rattachement de la Loire Atlantique à la Bretagne, justification de la fusion des deux Normandie, argument avancé pour rapprocher le Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées).

– l’équilibre économique : cet argument a notamment été avancé par les opposants à la Fusion de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais, ces opposants ont expliqué que les deux régions ayant les mêmes difficultés, ce ne serait pas leur rendre service que de les mettre ensemble. Cet argument aussi plaidé contre la formation d’une région Auvergne-Limousin, deux régions toutes deux jugées enclavées.

– la dynamique économique : on explique ici que les régions ont besoin d’avoir au moins une métropole dynamique forte. Cet argument conduit à l’extrême au projet de Fromentin, le maire de Neuilly-sur-Seine qui suggère huit grands “pôles territoriaux”.  Il conduit aussi à fusionner les régions sans grandes métropoles avec celles ayant de grandes villes.

Il y a aussi un quatrième argument que je défendrai comme prioritaire : la ressemblance des économies quant à leurs dépendances.  Pour vous donner une idée de ce que cela veut dire, il vaut mieux expliciter un critère opérationnel : la corrélation entre les PIB (richesses produites).  Pour mieux la comprendre, voici un graphique présentant le PIB de trois régions : la région bleue, la région verte et la région rouge. La question est de savoir s’il faut fusionner la région bleue avec la région verte ou avec la carte rouge.

CoorelPIB

On voit sur le graphique, que l’activité activité économique de la région bleue augmente et diminue en même temps que celle de la région rouge. En revanche, il y a peu de lien entre les variations du PIB de la région verte et celles de la région bleue. Cela suggère que ce qui explique l’évolution de l’économie de la région bleue explique aussi celle de la région rouge. Si par exemple, les deux régions dépendent toutes les deux fortement du tourisme et de l’agro-alimentaires, alors quand ces deux activités se portent bien, l’économie de la région va bien se porter. En revanche, il est probable que l’économie verte dépende d’autres activités (l’industrie automobile par exemple). Pourquoi des régions aux économies similaires devraient-elles se rapprocher ?

Parce que la région a une mission de pilotage économique. Il est d’autant plus facile pour elle de mener à bien cette mission qu’elle a affaire à des activités économiques cohérentes (mêmes types de produits, mêmes clients). La région ne devrait pas avoir un objectif de solidarité, c’est le rôle de l’Etat central de faire jouer les solidarités. De même, la région n’est pas un outil premièrement culturel, elle est chargée de préparer l’avenir avant-tout. Si Nantes commerce plus avec le bassin de la Loire plutôt qu’avec le reste de la Bretagne, alors Nantes est plus dépendante de l’économie d’Angers que de celle de Lorient.

N’ayant pas trouvé l’historique des PIB départementaux, je n’ai pas fait d’Analyses en Composantes Principales (analyse statistique qui permettrait de regrouper les départements par corrélation), mais voici de deux types de regroupements auxquels on peut s’attendre :

  • des liens entre les métropole et leur arrière-pays : Si l’économie des Charentes Maritimes a plus de liens avec Bordeaux qu’avec Poitiers, alors la corrélation sera plus forte avec la Gironde qu’avec la Vienne.
  • des liens entre régions ayant des tissus économiques semblables : l’Hérault (Montpellier) où le tourisme balnéaire est très développé a des chances d’être rapprochée de la région PACA plutôt que Midi-Pyrénées où l’industrie est plus importante. Dans cet optique, il est probable que l’Auvergne se rapproche du Limousin plutôt que de Lyon.

Un tel critère ferait primer les points communs économiques sur les points communs identitaires et permettrait aux départements et régions de se rapprocher selon la proximité des problèmes auxquels ils sont confrontés.  Ce critère ne serait pas le seul et dans l’esprit initial de la décentralisation, la proximité géographique doit aussi jouer pour que les décideurs puissent facilement rencontrer les acteurs économiques avec qui ils interagissent.

Crédit image : auteur.

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