Pondérer les voix des élus permettrait une meilleure représentativité des électeurs.
Lorsqu’en 1789 les Etats-généraux convoqués par le roi deviennent Assemblée nationale, un des acquis majeurs est l’égalité de voix de chaque élu : à l’origine, lors de la convocation des Etats-Généraux, chaque ordre (Clergé, Noblesse, Tiers-Etat) avait une voix égale ce qui signifiait que 4 % du corps électoral avait 2 voix et les 96 % restants une voix. En accordant une voix égale à chaque élu, le Tiers-Etat devenait majoritaire : 584 élus du Tiers-Etat contre 291 pour le Clergé et 271 pour la Noblesse.
Depuis, les assemblées d’élus semblent en France (et ailleurs) avoir conservé le principe de l’égalité de voix des élus. Pourtant ce système semble aujourd’hui archaïque au regard des contraintes qu’il impose. Que le mode de scrutin soit majoritaire ou proportionnel, la plupart des assemblées élues dans le monde le sont sur la base de circonscriptions (mais ce n’est pas toujours le cas : la plupart des conseillers municipaux et tous les conseillers régionaux sont élus sur une circonscription unique, commune à tous les élus de l’assemblée). Le but d’une élection sur la base de plusieurs circonscriptions est d’assurer la représentativité géographique de l’assemblée : avoir des élus de l’ouest et de l’est, des villes et des champs, des quartiers huppés et populaires.
Mais en imposant à la fois une égalité des voix des élus et un critère de représentativité, on aboutit, sauf coup de chance, à deux problèmes :
– une inégalité de poids des électeurs selon leur lieu de résidence. Ainsi au Sénat américain, un électeur de l’Alaska est 80 fois plus représenté qu’un électeur californien : chaque Etat élit un sénateur pour six ans tous les 4 ou 2 ans (de sorte que Chaque Etat a deux sénateurs), or la Californie est 80 fois plus peuplée que l’Alaska. Dans un exemple plus courant, les circonscriptions des députés français peuvent avoir des populations variant du simple au triple (cas de celles de 2012 pourtant issues d’un redécoupage visant à limiter les écarts).
– Les évolutions démographiques conduisent à revoir régulièrement les découpages des circonscriptions pour limiter l’effet précédemment mentionné. Chacun de ces redécoupages est l’objet d’âpres discussions et parfois de franches combines visant à favoriser un parti plutôt qu’un autre : en créant des circonscriptions réunissant uniquement des électeurs traditionnellement opposés à mon parti, je réduis les chances des autres partis dans les autres circonscriptions. Un cas « naturel » est illustré par les VIIIème et XVIème arrondissements à Paris : dans ces arrondissements comptant environs 10 % des électeurs parisiens, la droite recueille toujours entre 70 et 80 % des voix. Or pour être élu, 55 % suffiraient largement. Ainsi pour la droite, il y a dans ces arrondissements près de 20 % (75 % – 55 %) d’électeurs de droite qui seraient plus utiles s’ils habitaient par exemple dans le XIVème arrondissement, arrondissement où la droite a 5 points de moins que la gauche ces dernières années. Aussi, l’optimisation du découpage électoral conduit souvent à des circonscriptions incohérente et instables (cf. exemples données par The Economist dans le cas des Etats-Unis ) .
Comment concilier représentativité territoriale, égalité des électeurs et stabilité des découpages ?
En cessant d’imposer l’égalité de voix des élus. Peut-être que parce que la logique des parlements est celle de l’égal accès à la parole de chacun, par opposition à l’exécutif marqué par un pouvoir hiérarchique, les assemblées imposent spontanément cette contrainte, mais cette contrainte crée des problèmes et a un avantage très limité.
L’idée d’une égalité réelle des élus dans les assemblées est fictive : certains élus ont plus de pouvoir que d’autres :
- ils ont un vote pivot : les autres élus votant toujours dans un sens connu d’avance, ceux qui décident vraiment sont ceux dont le vote n’est pas prévisible (souvent, des élus « centristes »).
- ils ont plus d’expérience parlementaire : leur maîtrise des règles de fonctionnement de l’assemblée et leur réseau leur donne plus de facilités à faire avances les projets qu’ils soutiennent.
L’égalité des élus est donc assez symbolique.
Surtout en levant l’égalité de voix des élus, nous pourrions avoir des circonscriptions de taille inégales tout en donnant au vote de chaque électeur le même poids : qu’importe alors qu’un député d’une île de 5000 habitant siège au côté de celui d’un arrondissement parisien de 200 000 habitants si ce dernier à une voix 40 fois plus importante ?
D’autre part, pour les circonscriptions des élections à la proportionnelle, actuellement, plus la circonscription est peuplée, plus elle compte d’élus et plus les élus peuvent refléter la diversité des votes. Il y a donc une inégalité entre électeurs des petits partis : ceux qui habitent dans de grandes circonscriptions seront représentés, les autres non. La pondération du vote des élus permettrait que chaque circonscription ait le même nombre d’élus.
Enfin, les évolutions démographiques ne conduiraient plus à un redécoupage électoral mais se traduiraient par une simple repondération des voix des élus.
Ainsi, c’est en abandonnant l’égalité de voix des élus que l’on ira vers une démocratie plus authentique : égalité de poids de chaque électeur et plus de transparence dans les découpages électoraux.
Crédit image : auteur.
Un petit jeu qui te permet à t’attaquer aux decoupages des circonscriptions (“Gerrymandering”): http://redistrictinggame.org/
chaque depute doit avoir le poids du nombre d’electeurs
dans toutes les assemblees de coppriete c’est la regle