La faiblesse de la réaction de l’UE face à l’annexion de la Crimée encourage les menaces à son encontre et développe deux cercle vicieux expliqués par la théorie des jeux…

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L’éditorial du Monde du 18 mars le dit clairement : l’Europe s’est montrée faible face à la Russie lors de la crise de Crimée. Il ne s’agit pas de discuter du bien-fondé juridique du rattachement ou des liens entre Crimée et Ukraine. Le problème est dans la procédure : Moscou a imposé du jour au lendemain un changement de frontières plus de 20 ans après l’indépendance de l’Ukraine, et ce, suite à un changement politique qui déplaisait aux dirigeants russes.
La théorie des jeux nous éclaire sur les conséquences probables de cette démonstration de faiblesse de l’Europe. Cette faiblesse aura des conséquences à la fois sur un plan interne et sur un plan externe.
  1. Sur un plan interne, il semble que les pays d’Europe centrale à commencer par la Pologne auraient souhaité une position plus ferme. Mais ils n’ont pas été assez soutenus par les pays de l’ouest. Cela vient après l’échec de l’envoi de troupes européennes en Centre-Afrique et après l’absence de position commune sur la Syrie. L’ Europe n’est pas solidaire en matière de politique étrangère, aucun pays n’intervient si son intérêt n’est pas directement menacé. Cela finit par ronger la confiance et renforce un cercle vicieux de choix court- termistes. Rosenthal (1981) a montré que la coopération n’est pas un choix évident dès lors qu’à court-terme l’une des parties peut être perdante. Par la suite, de nombreux auteurs  (exp. Parco et al., 2002) ont mis en lumière le rôle de la confiance pour que chacun continue la coopération même si il peut perdre à court-terme. Or la confiance repose sur une croyance qui s’établit par des comportements qui signalent la volonté de coopérer. Les pays de l’Europe sont plutôt en train d’envoyer des signaux négatifs… le chacun pour soit sera donc renforcé…
  2.  Sur un plan externe, la faiblesse de  l’Europe décrédibilise son discours. Pour comprendre le problème voici un jeu appelé “jeu de la poule mouillée” : 2 camions s’engagent face à face sur une route à une voie. Les conducteurs peuvent communiquer. Soit l’un des deux se met sur le bas-côté, soit les deux camions rentrent en collision. Pour que l’autre camion se mette sur le bas côté, il faut soit convaincre l’autre qu’on ne contrôle pas le véhicule (scénario à la “Speed”) soit convaincre qu’on est assez fou pour risquer sa vie. A l’échelle politique, l’Union Européenne est devenue la poule mouillée de la scène internationale : à force de d’éviter toute prise des risque, elle perd toute crédibilité quand il s’agit de montrer les dents… ce qui encourage les autres puissances à la défier. Une petite anecdote pour illustrer cet affaiblissement : il y a quelques jours, un pétrolier a chargé illégalement du pétrole libyen volé par un groupe islamiste séditieux. Les autorités libyennes n’ont pas réussi à l’arraisonner.  Il a été arrêté au large de Chypre, membre de l’UE….  par qui ? la navale américaine. Même dans son pré-carré, l’Europe est incapable d’intervenir. Vous comprenez mieux pourquoi face à la Russie, les ukrainiens ont demandé l’aide des Etats-Unis et non de l’Europe.

Conclusion : le droit international n’est pas un véritable droit car il lui manque un Léviathan capable de sanctionner ceux qui y contreviennent. Il ne nous reste alors que le rapport de force, et la Crimée rappelle la nécessité de construire l’Europe, i.e. faire que même à court-terme on ne puisse plus distinguer les intérêts des uns et des autres…

Crédit Image : auteur.

Références :

  • Parco, J. E.; Rapoport, A. & Stein, W. E. (2002). “Effects of financial incentives on the breakdown of mutual trust”. Psychological Science 13 (3): 292–297.
  • Rosenthal, R. (1981). “Games of Perfect Information, Predatory Pricing, and the Chain Store”. Journal of Economic Theory 25 (1): 92–100.

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